• Black tea ?

     

    RETOUR DANS LE MONDE D’EN BAS

     

    Nous vivons cette expérience du losar à Phoker avec nos pérégrinations de jour comme de nuit entre 3500 et 4000 mètres d’altitude dans un contexte qui constitue déjà pour les occidentaux que nous sommes, une aventure  en soi.

     

    Tout d’abord il faut se représenter le froid, c’est l’hiver dans l’Himalaya et les températures sont très souvent en dessous de zéro, la nuit il fait jusqu’à  -20 °. Les maisons mal chauffées et mal isolées sont de façon très surprenante, très conviviales. Les fenêtres de bois sculptés, les offrandes aux dieux, les pierres mantras, les mâts aux tissus décolorés qui claquent dans le vent, les poêles autour desquels on se rassemble, le pain cuit dans la cendre, le thé toujours prêt, on en boit des litres ainsi que l’eau chaude et surtout la chaleur de l’accueil qui nous est réservé partout.

     

    RETOUR DANS LE MONDE D’EN BAS

    Le seul moyen de résister au froid mordant est d’empiler les couches de vêtements, les ladhakis passent l’hiver avec des strates de vêtements qui leur permet d’endurer les températures souvent très rudes.

    Nous faisons de même, on dort sous des piles de couvertures, mais on garde au moins une couche ou deux de vêtements.

     

    Au lever du soleil, les femmes vont chercher l’eau dans la rivière dont elles brisent au préalable la couche de glace qui recouvre l’eau courante. Une énorme marmite chauffe sur un feu de bois à l’extérieur de la maison. Chacun vient y puiser le seau nécessaire à ses abblutions.

    Une petite pièce au sol en dur et à la fenêtre sans vitre est consacrée à la toilette.

    Il faut faire vite, se dévêtir et s’asperger d’eau brûlante, se savonner, se rincer et se rhabiller tout aussi vite. On s’accoutume très rapidement à cette toilette spartiate, de fait on se sent tonifié après. Le reste de l’eau chaude est utilisé à la lessive quotidienne faite à la main et étendue sur les branchages ou clôtures. Il y a 300 jours de soleil par an au Ladakh et depuis notre arrivée, le ciel a toujours été d’un bleu profond sans nuages.

     

    Voilà pour la salle de bains, les toilettes sont extérieures et sèches, avec un tas de terre  et une pelle à disposition pour recouvrir ce qui doit être recouvert. Le jour, c’est sympathique et écologique, la nuit c’est autre chose et on apprend vite à limiter l’absortion de liquides le soir pour ne pas être obligés de se lever la nuit, car se lever ça veut dire, s’habiller, chaussures et parkas comprises, sans oublier la frontale pour trouver son chemin…

     

    Après les ablutions du début de journée, tout le monde se retrouve pour le petit déjeuner, galettes, chapatis, thés accompagnés de pâte d’abricot, soupe, porridge et miel en sus pour nous que nous avons ramenés de Leh. La nourriture est délicieuse, dans nos rares moments de loisirs, nous sommes invités partout à déjeuner ou à diner et c’est à chaque fois un régal.

     

    Riz agrémenté de légumes cuisinés avec divers épices, soupe à la farine de sampa, beignets de légumes frits qui me font penser aux tempuras japonais, lentilles, épinards,

    des vrais petits pois, mouton rôti ou boullli, raviolis farcis de légumes ou de viande, crêpes à l’avenant, nous avons l’impression de vivre un festival gastronomique. Et partout où nous arrivons, la première question est black tea ?

    Car les ladakhis sont bien conscients que le thé beurré reste une expérience culturelle particulière pour nous autres et qu’en outre il n’est pas forcément digeste quand on s’acclimate juste à l’altitude comme c’est notre cas.

     

    On se retrouve en général à la tombée du soleil, pour encore du thé partagé alors que le jour tombe et que le froid  recouvre tout. L’électricité fonctionne à peu près entre 18 et 22H30, ce qui nous permet de charger nos batteries, de numériser nos sons et nos images, de faire ce qui ne peut être fait qu’avec l’électricité. Sinon on s’éclaire à la frontale et aux bougies, on est plus calés sur le rythme circadien que d’habitude.

    Il n’y a pas d’interrupteurs, les ampoules sont branchées directement sur le fil d’alimentation générale, nous avons bricolé une dérivation pour brancher une multiprise et répondre aux contraintes techniques du tournage.

    Pendant la durée du losar, l’électricité est également fournie entre 5H30 et 6H3O du matin, nous n’avons pas encore bien saisi pourquoi, en tout cas comme il n’y a pas d’interrupteur ça nous sert de réveil matin !

     

    Tout cela peut sembler austère et très inconfortable, mais non, l’ambiance est joyeuse et personne ne se plaint, au contraire, on dirait que dans cette aventure le manque de confort renforce la qualité des échanges humains qui elle est vraiment 4 étoiles !

     

     


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  • Phoker Chomo

    A la limite des mondes

     

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

    Alors voilà, nous y sommes, c’est aujourd’hui que nous allons rencontrer  Phoker Chomo, l’oracle à travers son incarnation physique actuelle, le Lhaba. Auparavant Samphel aura demandé une audience à l’homme pour lui expliquer la raison de notre raison et savoir si nous étions autorisés à assister à la séance et éventuellement à l’enregistrer ou à la filmer.

    Donc oui, nous pouvons y aller, il n’est pas encore certain que nous puissions filmer mais enregistrer le son est accepté.  Nous sommes évidemment nerveux et excités à la fois. Samphel ne cesse de nous prévenir qu’il n’est pas sûr que l’oracle se manifeste et qu’il faudra de toute façon se tenir à distance avec la caméra car il risque d’avoir des réactions incontrôlées.

     

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Nous spéculons donc sur ce qu’il va se passer en prenant le thé du matin alors que le soleil n’est pas encore apparu. Il est décidé que seuls Gilles et moi irons, accompagnés de Samphel, les filles et Annick resteront à la maison. Nous ne voulons pas perturber outre mesure cette séance très spéciale, en multipliant les présences étrangères.

    On part donc avec notre matériel et nos offrandes vers la maison du Labdak où doit se tenir cette rencontre avec le monde des esprits.

     

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Nous arrivons les premiers, dans la pièce maintenant familière où nous avons rencontré le Labdak plusieurs fois à présent. Un homme de plus de 7O ans, au visage expressif, vêtu de la traditionnelle robe ladakhie y est en méditation. Il chantonne des mantras, agite une clochette, fait tourner un moulin à prière, met du safran dans un verre d’eau, verse un liquide sur une fontaine d’offrande, agite ses mains dans l’espace, en introspection profonde. Autour de lui, le Labdak, Stanzin son fils et quelques villageois, s’affairent avec déférence et discrétion, apportant du thé, des offrandes, alimentant le feu. A côté du Lhaba repose l’objet symbolique qui me fait penser au bundle des Indiens des plaines en Amérique du Nord, un objet de pouvoir donc, qui ressemble à une grosse outre en tissu, harnachée de khatak, les écharpes blanches en soie de bienvenue. Cet objet représente l’esprit de Phoker Chomo quand celui-ci n’est pas manifesté, c’est du moins ce que je comprends des explications de Samphel.

     

    Nous commençons discrètement à filmer les préparatifs, après en avoir eu l’autorisation par l’homme actuellement en méditation. Il nous dit qu’il suit la voie de Milarépa, le grand mystique poète indien.

    Cet homme est donc le Lhaba, le support incarné actuel de Phoker Chomo. C’est par lui que l’oracle va se manifester ou pas…

    Plus tard, cet homme nous racontera qu’à l’âge de 12 ans, il avait été pris de folie, cet état à duré une année pendant laquelle il ne parvenait pas à retrouver ses esprits. Il s’est alors rendu à pieds voir différents maitres spirituels, des Rimpotché pour la plupart qui tous lui dirent la même chose : Phoker Chomo demandait à s’incarner à travers lui et il devait accepter d’être le support de chair de cet esprit ancestral protecteur de la vallée de Phoker, sur injonction de Padmasambhava lui-même, le bouddha né d’une fleur de lotus.

     

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

    Cela n’était pas complètement surprenant pour lui car son grand père avait déjà accompli cette destinée, il y a donc une transmission transgénérationnelle de la fonction de canal dans sa famille. Depuis soixante ans maintenant, le Lhaba, sert d’hôte à l’oracle. Il dit qu’avec l’âge, cette fonction est devenue de plus en plus lourde à assumer car chaque interaction avec l’esprit lui coûte beaucoup d’énergie. Pour l’instant, son successeur n’est pas encore identifié, même s’il pense qu’il pourrait s’agir de son petit fils, mais il n’y a encore aucune certitude à ce propos.

     

    Ses facultés physiques déclinant, le Lhaba est obligé de limiter les transes, mais aujourd’hui il est là.

    Pour l’heure, sortant de sa méditation et après avoir fait ses ablutions,  il revêt son habit de cérémonie, un espèce de kimono bleu avec une ceinture blanche, par dessus lequel il passe une collerette jaune or. Stanzin l’aide à ceindre un tablier multicolore et sa coiffe jaune argentée. Le Lhaba est prêt, une clochette à la main.  La pièce est à présent comble de villageois venus consulter l’oracle. Le Labdak se tient aux côtes du Lhaba, il n’a plus son habit de cérémonie, ni sa coiffe, mais porte l’élégante robe pourpre de tous les jours.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    La tension monte d’un cran, tous les regards sont fixés sur le Lhaba. Gilles a dû se mettre au fond de la pièce avec la caméra, moi, je suis juste à pied d’œuvre, au premier rang, pour prendre le son.

     

    Le Lhaba prononce une sorte d’invocation, puis il est agité de soubresauts, est secoué de quelques hoquets et se redresse : son regard est halluciné, l’esprit de Phoker Chomo a pris possession de lui. Il s’exprime dans la langue des oracles, avec voix d’un autre monde dont la vibration aigue résonne fortement dans mes oreilles a travers le casque.

    Je réalise soudain que j’entends ce son bien mieux que n’importe qui d’autre dans la pièce car je suis en train de l’enregistrer en stéréo. C’est très troublant, car ce son produit une drôle d’impression, je m’efforce à garder ma concentration.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Il y a soudain beaucoup d’émotions et de ferveur dans la pièce. Tout devient extraordinaire. L’oracle par l’intermédiaire du Lhaba, s’adresse à l’assistance, le Labdak traduit car personne d’autre ne comprend la langue des oracles. Certains se mettent à pleurer, d’autres prient, la tension est extrême.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Il appose une sorte de bénédiction sur la tête du fils du Labdak agenouillé à ses pieds, le jeune homme est bouleversé. Les choses se passent très vite, le visage du Lhaba est méconnaissable, ses traits et son regard surtout ne sont plus les mêmes. Ses mains agitent la clochette, sa voix grésille à nos oreilles, à plusieurs reprises il va boire l’eau safranée préparée à son intention. Le Labdak traduit en ladhaki ce que l’oracle exprime dans une langue que nul ne comprend. C’est fascinant, il se passe beaucoup de choses en même temps. J’appelle Gilles pour qu’il se rapproche, il me semble qu’il est trop loin, il arrive avec la caméra. Samphel est complètement subjugué par l’oracle, les mains jointes, empli d’une tension  palpable.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Soudain, le Lhaba se tourne dans notre direction et s’adresse à nous : stupeur, moment de flottement : le Labdak traduit : « Phoker Chomo vous remercie d’être venus de si loin pour faire ce que vous faites… » Samphel me pousse vers l’incarnation de l’oracle, qui me passe un khatak rouge autour du cou.  Je m’incline, remercie. Soudain, nous voici en plein dans la scène que nous sommes en train de filmer !

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

    Gilles aussi reçoit un khatak, le Labdak continue à nous traduire le message de l’oracle avec un air plein de bienveillance : « Nous ne devons pas avoir de doute sur ce que nous faisons… Ce que nous faisons est juste… » On s’incline, on remercie encore, juley, juley…

    Puis il se détourne de nous et le cérémonial reprend avec les villageois. On essaye de rester focus autant que possible sur l’image et le son qui on continuer à tourner pendant ce moment mais on est traversés par la même forme d’énergie qui a envahit tous ceux qui sont présents dans la pièce.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    Il est difficile sur le moment de dire combien de temps, cette séance aura duré, le temps est suspendu.

    Au bout d’un moment le Lhaba, signifie que l’oracle va repartir. Assisté de Stanzin, qui lui soutient la tête, il s’allonge. Le fils du Labdak verse régulièrement de l’eau safranée sur le front de l’homme qui a fermé les yeux. A chaque fois que liquide touche son front, il a un spasme et pousse un cri. Au terme d’un spasme plus fort que les autres répété trois fois, l’esprit quitte le corps de l’homme qui s’affaisse sur lui même.

    Comme il était venu Phoket Chomo est reparti.

    Phoker Chomo, A la limite des mondes

     

    La tension retombe, l’homme se frotte le visage d’un air un peu hébété, il est revenu parmi nous, il sourit et s’adresse à l’assistance avec sa voix normale. Les villageois s’en vont petit à peu, on se retrouve en petit comité à partager le thé et la nourriture avec le Lhaba, le Labdak et les proches. Nous aussi on est un eu hébétés. On du mal à partir, nous prolongeons encore un peu la sensation qui nous habite encore et que nous ne désirons pas pour le moment analyser.

    Juste l’éprouver pour en garder la trace.

     

    Cette trace qui devrait devenir un film.


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    L’Ecole du Lotus Blanc

     

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

    Phoker est le dernier village bouddhiste du district de Kargil,  la population y est mixte moitié musulmane, moitié Bouddhiste. Dans le district de Kargil, les habitants de culture bouddhistes sont traités comme des citoyens de seconde zone : discrimination négative pour l’accès à l’emploi, harcèlements lors des célébrations liés à leur croyances religieuses, comme cela a été le cas à Phoker ces cinq dernières années durant la célébration du Losar, sous représentation dans les administrations de la justice, de l’éducation,  de l’accès aux soins, du développement etc… La ville de Kargil, siège administratif du district est entièrement musulmane. 

     

    On est ici pas loin du Pakistan et en zone frontalière avec le Cachemire, théâtre d’affrontements intercommunautaires violents ces derniers mois. Le Ladakh pour l’instant reste préservé mais dès que l’on quitte le district de Leh, la tension devient perceptible. A Phoker, dans cette petite communauté de 3000 personnes, les haut-parleurs de la communauté musulmane d’obédience shiite déversent entre 3 à 5 fois par jour des harangues, prêches et incantations au Prophète sur une tonalité agressive qui créent un climat oppressant. Obligée de me rendre à l’hôpital de Kargil pour raisons médicales, j’y sens une hostilité manifeste à mon égard, alors que je suis tête nue parmi les voiles... Nous sommes bien loin de l’accueil bienveillant  dont nous avons bénéficié à Leh.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

     

    Ils nous attendaient dans la petite cour en terre battue qui jouxte leur modeste école. Souvent vêtus du manteau bordeaux traditionnel ladakhi, bonnets sur la tête car il fait froid malgré le soleil, ils nous dévisageaient les yeux brillants de curiosité. Nous étions en retard, arrivant d’un monastère où se déroulait une partie du losar, mais ils nous ont accueillis avec des grands sourires. Avec leurs maîtresses, ils avaient préparé une série de chants et de danses à notre intention. Nous avons tous été émus par la ferveur qu’ils ont mis dans leurs chants et leur danses, les yeux fermés, les mains jointes, ils s’adressaient à nous à travers leur comptines avec beaucoup d’espoir, je crois et également beaucoup de confiance.

    Ils sont les enfants de l’école du Lotus Blanc.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    Soucieux de préserver l’héritage culturel de leurs enfants : transmission de la langue et des éléments cultuels,  la population bouddhiste de Phoker a décidé de construire une école qui répondrait à la réalité culturelle de leur communauté.

    L’année dernière une branche de l’école DRUK PADMA KARPO a donc été ouverte dans le village sous le patronage de sa Sainteté le XII ème GYALWANG DRUKPA* permettant la création de 2 classes avec un effectif total de 30 élèves, avec tous les niveaux représentés de la maternelle au CM2.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    L’administration de l’état du Jammu et Kashmir ne soutient pas financièrement ce genre d’initiative et la population bouddhiste de Phoker s’est mobilisée pour construire la petite école du Lotus Blanc et pour payer les salaires des deux enseignantes.

     

    Dans une communauté isolée comme Phoker, les revenus des habitants sont extrêmement modestes, entre 3000 à 5000 roupies par mois soit l’équivalent de 50 à 70 euros/ mois. Il est donc très difficile pour les familles de fournir l’effort financier nécessaire pour équiper l’école du minimum, c’est à dire des bancs pour les enfants, un tableau dans les salles de classe, des cahiers et des crayons, du matériel à dessin, des supports pédagogiques. En outre les salles de classe n’étant pas chauffées, l’école ferme de fin décembre à début février, durant les mois les plus froids de l’année.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    Nous avons passé l’après midi dans l’école et nous avons été marqués par le désir d’apprendre de ces enfants et leur motivation à l’endroit de l’école, ainsi que par l’engagement des maitresses et de l’ensemble de la communauté autour de ce projet éducatif. Toute l’équipe administrative était là ainsi que beaucoup de parents soucieux de nous témoigner leur gratitude pour être venus prendre connaissance du projet d’école et de ses difficultés actuelles.

     

    Si l’école du Lotus Bl anc ferme par manque de moyens, les enfants bouddhistes de Phoker et des environs n’auront d’autre alternative que d’aller à l’école publique où l’enseignement se fait en Urdu et où les éléments cultuels privilégiés sont musulmans.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    Nous avons filmé et enregistré les enfants de l’école du Lotus Blanc, ainsi que l’équipe pédagogique et les membres fondateurs de l’école, avec l’intention de trouver un axe de solidarité entre la France et cette communauté isolée de l’Himalaya. Pour ce faire, nous allons monter un projet de soutien à l’école du Lotus Blanc avec l’association Himalayan Dialect initiée par Christiane Roussin de Die (Drôme) qui a déjà soutenu la construction d’une école, la Spring Dales Public School, équipée d’un système de chauffage solaire très judicieux et d’un internat à Mulbekh, à une trentaine de kilomètres de Phoker.

     

    Himalayan Dialect possède l’expertise nécessaire pour la prise en charge des besoins identifiés de l’école de Phoker : rénovation des locaux existants, fourniture du mobilier et du matériel pédagogique nécessaire, pérennisation des postes des deux enseignantes qui font un travail remarquable dans des conditions minimales.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    L’école du Lotus blanc scolarise actuellement une trentaine d’enfants mais une vingtaine sont déjà en liste d’attente. Il faut réaliser que ces enfants effectuent tous des trajets quotidiens importants à pied pour se rendre à l’école et ceci pour avoir accès à une éducation dans des conditions difficiles, cependant ils font tous preuve d’un grand enthousiasme et d’une grande joie à apprendre. Etant donné le coût de la vie dans cette région du Ladakh, le budget nécessaire à la consolidation et au développement de cette belle démarche, transposé en euros, représente une somme qu’il est tout à fait possible de réunir en mobilisant de la bonne volonté et en faisant preuve de solidarité.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    Annick Paoli qui accompagne ce voyage en faisant un reportage photo au profit de l’Ecole du Lotus Blanc, Christiane Roussin de l’association Himalayan Dialect qui vient de publier un beau livre « 8 jours suffiront-ils ? A la découverte du Ladakh» au profit de  la Spring Dales Public School de Mulbekh, moi-même et tous ceux qui voudront s’engager en faveur des enfants de la vallée de Phoker contribueront ainsi non seulement au soutien d’un projet éducatif fondamental pour la communauté mais également à la préservation d’une culture fragilisée.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

    Nous sommes retournés revoir les enfants quelques jours plus tard et à nouveau, les parents s’étaient mobilisés pour nous accueillir avec le thé et les khataks, les écharpes blanches de bienvenue. Les enfants avaient préparé des dessins pour transmettre aux enfants de France car se dessine un projet de correspondance entre des enfants du Val de Drôme et les enfants de la vallée de Phoker. Cela paraît peu de choses, mais lors de notre première visite, nous avions apporté des crayons de couleur et des cahiers ce qui a réjouit les enseignantes car l’école n’en possédait pas. Ce matériel à dessin à tout de suite été mis à profit pour redonner quelque chose, donc les dessins que nous rapportons avec nous avec ce désir d’échange et d’ouverture qui était aussi au cœur de notre démarche quand notre petite équipe s’est constituée spontanément pour répondre à l’invitation qui m’avait été faite de venir assister à cette cérémonie très particulière dont les ramifications s’étendent dans le tissu social.

    Ainsi l’emplacement de l’école à été désigné voici deux ans par l’oracle, Phoker Chomo, autour duquel s’inscrit le rituel auquel nous sommes à présent participants à notre manière.

    Tout est lié.

     

    L’Ecole du Lotus Blanc

     

    Nous communiquerons plus en détail sur l’école du Lotus Blanc de Phoker dès notre retour en France, je publie également dans ce blog la traduction de la lettre du président de l’école du Lotus Blanc sous la rubrique : la lettre de Tsering Ramgyal.

    Merci de votre attention.

     

     

    * Sa Sainteté le XII ème GYALWANG DRUKPA est le chef de la lignée spirituelle Drukpa, une des écoles du bouddhisme Vajrayana. Responsable de nombreux monastères dans les régions himalayennes, dont les principaux se trouvent à Darjeeling, à Hémis (Ladakh) et au Népal au mont Druk Amithaba (Katmandou), le Gyalwang Drukpa dirige également de nombreuses écoles de méditation bouddhiques en Asie, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine. Son siège européen, la congrégation « pel Drukpay Tcheusok » se trouve en France à Plouray, dans le Morbihan où le vénérable Drubpön Ngawang, le représente.

     

    Le Gyalwang Drukpa parcourt inlassablement le monde afin de transmettre ses connaissances et son expérience. Maitre accompli du mahamoudra et du maha-ati, il incarne par son style la modernité, et par la profondeur de son enseignement, la pure tradition de la lignée des yogis. Outre ses activités traditionnelles, le Gyalwang Drukpa a récemment lancé le projet « live to love » qui se définit comme l’intégration des idéaux bouddhiques dans la vie moderne, une compassion en action qui s’exprime dans des activités altruistes comme l’éducation, l’assistance médicale, l’aide humanitaire et la protection de l’environnement.

     

     


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  • Pawo Phrang Brak

     

     

    Après l’étape de Pho, où le Labdak et sa suite vont passer la journée consécutive à leur arrivée nocturne à visiter les familles sur place, le losar se poursuit le matin suivant à Pawo Phrang Brak au lever du soleil.

    Pawo Phrang Brak

     

    Pawo Phrang Brak est une falaise qui domine le village de Phoker, sur ce promontoire rocheux sont plantés des mâts d’offrande. Nous arrivons sur place alors qu’il fait encore nuit pour repérer les lieux et organiser le tournage de cette étape très importante du losar.

     

    Le Labdak arrive avec la Pampa directement de Pho, alors que les premières lueurs de l’aube teintent l’horizon et que la vie commence à se manifester dans le village à nos pieds. Des feux sont allumés sur les toits des maisons bouddhistes et l’offrande qui reste annuellement sur le faîte des maisons va être remplacée à cette occasion.

    Pawo Phrang Brak

     

    On voit aussi les femmes qui sortent pour aller chercher les seaux d’eau dans la rivière encore gelée à cette heure-là et les cheminées qui se mettent à fumer alors que les poêles sont allumés dans les maisons pour le premier thé du matin.

     

    Le Labdak arrive par le haut de la falaise, il marque un temps d’arrêt pendant lequel sont effectuées les offrandes et que sa suite mette le feu à un fagot de bois. Il dépose sa coiffe un moment pour méditer puis le rituel de Pawo Phrang Brak commence.

    Le Labdak s’engage sur le sentier escarpé, étroit et gelé qui fait le tour du bloc rocheux, il chante un chant incantatoire subjuguant, scandant le phrasé de la mélopée par des mouvements de son corps. Le soleil pointe à l’horizon et ses premiers rayons illuminent les sommets alentours.

     

    Pawo Phrang Brak

    En bas les villageois se rassemblent pour accueillir le labdak à la fin de la descente de la falaise. L’homme vêtu de son lourd manteau de cérémonie et de sa coiffe semble très concentré, il progresse dans la sente vertigineuse tout en chantant d’une voix étonnament forte.

    C’est à cet endroit que naguère, Phoker Chomo, l’oracle est venu vaincre les forces négatives qui s’étaient rassemblées en ce lieu. Pour cette bataille il eut besoin du soutien de 350 autres oracles qui lui permirent de sortir vainqueur de cette épreuve.

    Pawo Phrang Brak

     

    L’histoire raconte qu’il effectua cette traversée périlleuse dont dépendait le bien être futur des habitants de cette terre, en état de méditation profonde protégé par le mantra que chante aujourd’hui le Labdak. Au terme de la descente vertigineuse de la falaise où nous craignons maintes fois de le voir perdre l’équilibre, il atteint la rivière en contrebas. La scène est d’une grande force et d’une grande beauté dans la lumière dorée de l’aube.

     

    Là, il est aspergé d’eau glacée ce qui le sort de sa transe, les villageois l’acclament. Il rassemble sa troupe autour de lui et s’élance ensuite sur un petit tertre de terre qu’il piétine, signifiant ainsi la victoire sur les forces négatives conjurées grâce au mantra et à l’alliance avec le monde des esprits de lumière.

    Derrière lui, les membres de la pampa sautent et piétinent le tertre à leur tour.

     

    Tout le monde se rassemble ensuite autour de la réception improvisée par les villageois, soupe, thé, chang, biscuits sont servis à l’assistance. C’est un moment de joie partage par les membres présents de la communauté.

    Pawo Phrang Brak

     

    Il est 8 heures et demie quand le rituel s’achève et que chacun retourne à ses occupations, tandis-que le labdak et sa troupe poursuivent leur tournée à pied dans les maisons du village. Nous restons médusés devant l’énergie et la force déployée dans ce rituel par le Labdak, qui a tout de même 65 ans et qui ainsi qu’il nous lavait annoncé semble ne pas dormir durant la semaine que dure le cycle du losar à Phoker. On voit dans les moments de pause, les membres de la Pampa piquer du nez, ou parfois même de mettre à somnoler, dès que l’agitation se clame mais le Labdak lui, ainsi son fils, est toujours parfaitement présent, parfaitement concentré et dans la pleine maîtrise de sa partition.

    Respect.

     

    Pawo Phrang Brak


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    PHO- L’Esprit du Losar

     

     

    PHO- L’Esprit du Losar

    A la suite du Labdak et de la troupe de la pampa, nous montons vers le village de Pho situé à près de 4000 mètres d’altitude, après la tombée du jour. C’est à pied que le vieil homme couronné de sa coiffe et vêtu de sa parure de cérémonie s’achemine vers la communauté de Pho.

    Le trajet est ponctué d’arrêts à différentes stuppas où sont effectués chants et danses, accompagnés d’offrandes, retraçant des épisodes de la vie des maitres qui ont marqué cette terre, dont pour ne citer que lui le Guru Rimpoché, le grand Padmasambhava.

     

    PHO- L’Esprit du Losar

     

     

     

    Nous précédons le Labdak au village de Pho où les habitants s’affairent aux préparatifs.

    Le village de Pho n’est accessible qu’à pied, sur une petite place dans la communauté, des feux sont allumés, des tapis déposés sur le sol, des thermos de thé préparés. Les offrandes, bouteilles de chang, galettes, coupelles remplies de céréales et d’encens sont disposées sur les petites tables basses étroites très ouvragées, typiques de cette région. Il fait très froid, le thé à la cardamone et l’eau chaude sont plus que bienvenus. Je travaille avec deux paires de gants pour pouvoir effectuer la prise de son dans ces conditions de froid, ce qui m’oblige à les retirer à chaque réglage et à me geler les doigts rapidement !

     

     

    PHO- L’Esprit du Losar

     

    On peut suivre la progression de la troupe qui gravit le flanc de la montagne grâce à la lueur des torches qui les accompagnent ainsi que par les sons des musiciens. Finalement le Labdak arrive. C’est spectaculaire, il chante un chant particulier consacré à son arrivée accompagné de son fils, les habitants lui font une sorte de haie d’honneur, la pampa suit en poussant ses cris à présent familiers. A nouveau, je suis frappée (il faut dire que je suis aux premières puisque je l’enregistre de très près) par la force du chant qu’il donne à son entrée dans le village alors qu’il vient de faire une marche de plusieurs heures dans les sentiers pentus de la montagne.

     

    Une fois le Labdak installé sur son tapis devant les offrandes, le rituel proprement dit commence. C’est une succession de chants et de danses orchestrés par Stanzin, son fils qui règle les mouvements et interactions des danseurs autour des feux allumés sur la place.

     

     

    PHO- L’Esprit du Losar

     

    Nous sommes à présent totalement intégrés et les participants veillent à ce que nous puissions filmer et enregistrer la cérémonie du mieux possible. Gilles et sa caméra, virevoltent au milieu de la troupe de la Pampa pour la plus grande joie de l’assistance qui ne semble pas du tout déstabilisée par notre présence. Il est toutefois plus difficile de filmer les femmes dans l’assistance, toujours en retrait par rapport aux hommes et bien plus timides.

     

    Le vent qui se lève à la fin de la cérémonie donne le signal du repli, les feux s’échappent en gerbes de braises, le vent semble balayer l’espace dans lequel s’est déroulée la célébration à Pho. Le Labdak se dirige vers la maison dans laquelle il est hébergé avec sa troupe et nous fait signe de la suivre. Là encore c’est un chant particulier qui préside son entrée dans la demeure de ses hôtes. Nous gravissons un escalier insensé aux marches de pierres démesurées vu la hauteur restreinte des plafonds pour arriver au dernier étage de la maison où va se dérouler la réception. Nous sommes conviés à rester dans la salle bondée de villageois. A chaque fois que nous faisons mine de partir, les membres de la pampa poussent leurs cris, évocations du monde des oracles. Nous sommes subitement devenus très populaires !

     

    PHO- L’Esprit du Losar

     

    Nous partageons donc le thé et la soupe traditionnelle à la farine de sampa, après quoi nous repartons dans la nuit glacée constellée d’étoiles pour redescendre vers le village de Phoker.

    Cette étape à Pho, nous permettra de rentrer dans l’esprit du rituel, qui est une sorte de storytelling, ravivant année après année, les matériaux communs d’une culture vivante qui perdure depuis des siècles, tissant des éléments pré-bouddhiques, animistes voire chamaniques spécifiques à cette terre et à ce peuple. Cette ritualisation permet de garder vivace un tissu social qui pourrait s’effriter sous la pression des facteurs extérieurs, qu’ils viennent de la culture musulmane qui prend le contrôle de cette région ou plus largement d’une culture mondiale globalisée où les cultures minorisées sont menacées de disparaître au profit d’un nivellement des identités basé sur un système économique et non un rapport au monde.

     

    PHO- L’Esprit du Losar

     

    Nous nous attachons de plus en plus à ce que nous sentons être l’esprit de la cérémonie et plutôt que de documenter un rituel qui peut paraitre déroutant aux néophytes que nous sommes, nous tentons d’en saisir l’essence. Il s’agit de capter une énergie en mouvement et elle est liée aux éléments du territoire sur lequel s’inscrit la cérémonie. Nous essayons de rendre compte d’’impressions visuelles et sonores constituantes de l’âme d’une communauté, sans nous attacher à transcrire un protocole et son déroulement chronologique. Le Labdak semble approuver notre manière de faire par les signes et les regards de connivence qu’il nous adresse, ce qui nous conforte dans cette direction.

     

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    La suite cependant reste un mystère. Le Lhaba qui est le support d’incarnation présente de l’oracle Phoker Chomo, n’a toujours pas fait son apparition et rien ne garantit qu’il se manifestera d’ici la fin.

    Chaque année, nous dit Samphel, il n’y a aucune certitude que l’oracle se manifeste à travers le Lhaba, c’est pourquoi la célébration conduite par le Labdak est si importante car elle est un élément immuable pour les villageois, un repère temporel fort, dans ce monde qui va de plus en plus vite, cependant nous ne sommes qu’au début du cycle du losar, tout peut donc encore se produire.


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