• Peace March

     

    Au lendemain de l’épisode de violences survenu lors de la dernière étape de la célébration du Losar, les garçons et les hommes de la communauté bouddhiste se rassemblent pour une marche pour la Paix.

    Arborant des drapeaux noirs et chantant des mantras, le groupe arpentent les rues du village, suivi pas les forces de police restées sur place durant la nuit. Nous sommes invités à les rejoindre, ce que nous faisons volontiers encore sous le choc de la violence de l’agression de la veille.

     

    Nous sentons bien qu’il ne s’agit pas là d’un incident ponctuel et isolé mais d’une stratégie de destabilisation d’une population non violente pour la chasser peu à peu de ses terres. Au dela des convictions religieuses et des croyances propres à chaque être humain,  il s’agit de techniques  utilisées par des groupes politiques qui désirent contrôler un territoire.

    C’est pour cela que la situation est très délicate pour nos amis bouddhistes, désirant à tout prix rester dans la non violence mais se retrouvant dans l’obligation de réagir, de faire preuve de fermeté, d’obliger l’administration et l’appareil politique national à prendre note de la situation. Ne pas réagir serait autoriser d'autres dérapages, d'autres confrontations avec la perspective de voir à chaque fois se resteindre la marge de manoeuvre possible, réagir de façon inapropriée pourrait également aggraver la situation et être ressenti comme une incitation à poursuivre dans la confrontation du rapport de force. Il s'agit pour la communuaté bouddhiste de marquer de façon pacifique sa désapprobation à ce qu'il vient de se passer, de faire preuve de cohésion, de ne pas céder à la peur, de garder foi dans un rapport au monde basé sur l'harmonie et non sur la domination.



    Nous nous dirigeons vers le Gompa, le monastère de Phoker, où Tsering Murup, le labdak, va prendre la parole, cette fois-ci non dans sa fonction de maitre de cérémonie mais en tant que leader spirituel de la communauté.

    Les visages d’habitude souriants sont tristes et soucieux. La réunion débute à peine, que les hauts parleurs de la mosquée reprennent leur opération de propagande sonore, déjà pénible en temps normal, l’intensité va s’accroitre toute la journée, dans une diffusion quasi non stop de chants, imprécations, sermons débités à haut volume matérialisant la tension et l'inquiétude qui règnent depuis hier au soir.

    Toutefois malgré la gravité de la situation à aucun moment les membres de la communauté bouddhiste, y compris les jeunes n’auront recours à la violence ou à l’insulte. Ils multiplient les mantras et les prières et c’est dans cette circonstances très particulière que nous mesurons à que le point la pensée bouddhique est la trâme de fond de l’identité ladakhie.

     

     

    Tamchos, l’un des neveux de Samphel qui nous aide en tant que guide et interprète est un des exemples de cette philosophie de vie : éduqué, il fait partie de la jeunesse moderne de ce pays qui s’est forgée une conscience politique, mais ce jeune homme est également quelqu’un qui pratique la méditation, qui connaît les enseignements de Padma Shambhava, les bardos et l’histoire de son peuple. Tamchos qui nous accompagnait le soir des événements est bouleversé par ce qu’il s’est passé, il sait qu’il n’y a pas vraiement de marge de négociation avec les musulmans qui n’expriment aucun regret, ni aucune excuse quand à ce qu’il s’est passé, il témoignera devant les représentants de l’administration venus enquêter, mais nous sentons bien à quel point il vit cela comme autre forme de violence, que cette bataille juridique et administrative, face à une administration notoirement corrompue et majoritairement défavorable à leur communauté lui est pénible car cela n’est ni juste, ni harmonieux.

     

    Notre présence, ent ant qu’occidentaux accompagnés par Sharlene, citoyenne indienne éduquée, donne une visibilité aux revendications des villageois qui transmettent leurs doléances aux représentants de la police dépéchés par l’administration.

     

     

    Gilles prend la parole en public pour dire à quel point nous avons été choqués par l’agression perpétrée lors de la célébration pacifique d’un rituel pluri séculaire, connu de tous les membres de la communauté y compris des familles musulmanes établies là depuis plusieurs générations. Il insiste sur le fait que l’administration doit prendre note de la gravité de ce qu’il s’est passé car nous en sommes devenus les témoins et que nous n’hésiterons pas à diffuser ce que nous avons vu et filmé pour que soit préservé le droit de ces gens à pratiquer leur culture. Il fait aussi une remarque sur les heures de propagande sonore diffusée quotidiennement par les musulmans et dont le rythme et le volume s’est accentuée depuis les événements, dénotant une attitude de provocation et d’agression plutôt qu’une volonté de conciliation ou de médiation.

     

    Le responsable de la police en prend note avec force amabilité mais nous voyons bien qu’il est lui-même musulman, comme al plupart des gardes armés et des membres de la police qui sont supposés préserver l’ordre et la sécurité entre les deux communautés.

     

     

    Pendant que nous témoignons aux côtés des  représentants de la communauté bouddhiste, Samphel depuis New Delhi met en place une conférence de presse pour que les média nationaux rendent compte de l’histoire, nous devons lui faire parvenir les éléments que nous avons filmés et enregistrés qui sont les traces de cette histoire.

    A Leh, l’alliance des bouddhistes organise une manifestation qui rassemble tous les Rimpotché présents au Ladakh et adresse un ultimatum de 7 jours à l’administration du district de Kargil pour que les responsables des violences soient transférés à la justice et que des mesures soient prises pour que le calme revienne.

     

    Un détachement armé contrôle la rue principale du village : face à la vague de réactions négatives provoquées par l’incident, les autorités semblent craindre une réaction violente des groupes intégristes shiites de Kargil qui ont déjà dans un passé récent fait des descentes violentes dans des villages voisins, n’hésitant pas à utiliser la force et l’intimidation.

     

     

     


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  • Réfugiés Spirituels“La Sagesse qui précède toutes les religions et qui a été déformée, surchargée, et cachée par des siècles de religiosité égarée…”

     

     

    Réfugiés Spirituels

     

    Le sentier escarpé qui traverse l’éboulis rocheux bordant la Stupa de l’ancien palais, s’éboule sous nos pas dans l’obscurité illustrant bien le ressenti de ce moment où les choses ont basculé dans une folie aveugle.

    Un groupe s’est réfugié là, leurs visages apeurés apparaissent dans le pinceau de nos lampes qui déchirent la nuit.  Nous leur demandons ce qu’il s’est passé mais ils ne veulent parler tant que le Labdak ne s’est pas prononcé officiellement. Il est un peu plus haut dans les ruines et nous sommes invites à le rejoindre.

    Malgré l’intensité du moment et le choc subi, le Labdak dégage toujours cette impression d’autorité majestueuse et naturelle que lui confère son statut de leader spirituel de la communauté.

     

    Réfugiés Spirituels

    Vêtu de sa tenue de cérémonie, adossé à la falaise, il est au téléphone portable avec les autorités. La scène est assez surréaliste. Il est dans la négociation d’un envoi de renfort policier qui doit arriver de Kargil. C’est une situation diplomatiquement délicate car l’administration de ce district de Kargil dont dépend Phoker est contrôlé par les musulmans, les bouddhistes sont une minorité méprisée et peu considérée.

    Le Labdak nous demande de témoigner de ce qui s’est passé devant les Autorités et de leur remettre officiellement une lettre attestant des actes de violence venant d’être perpétrés au cours desquels plusieurs personnes ont été blessées.

     

    Nous filmons sa requête et son témoignage conscients du fait que nous sommes les seuls à pouvoir aider à une médiatisation des faits au cas où une fois encore l’administration du district aurait tendance à vouloir enterrer l’affaire.

    Une émotion tangible règne, les visages tout à l’heure souriants et joyeux sont sombres et préoccupés. Ce n’est pas juste un incident, ils savent que c’est l’incarnation d’une menace tangible depuis un moment, qui remet en cause leur droit de vivre pacifiquement sur leurs terres natales.

     

    Réfugiés Spirituels

    “Les musulmans ne veulent pas de cohabitation, ils veulent nous empêcher de pratiquer nos cérémonies, de transmettre nos enseignements, leur objectif est de nous chasser de nos terres pour qu’ils les occupent complètement.” Nous dit un témoin.

     

    Les forces de police arrivent finalement et après un moment de négociation la troupe s’apprètent à redescendre. Ils se remettent en ordre et chantent un dernier chant à Phoker Chomo, avant de s’enfoncer dans la nuit encadré par les policiers. Nous filmons cette retraite  accablés de tristesse.”

    Qui sait ce qu’il ;va se passer à présent ?


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  • Lha Gyal lo :

    (que les dieux soient victorieux…)

    Lha Gyal lo

     

    « Face à cette mer immobile de monts et de vallons, à ces impressionnants monuments, le voyageur se sent par moment petit et fragile, presque dérisoire, comme si en un bref éclair de lucidité, il appréciait soudain intuitivement, sa propre échelle dans l’univers naturel : parfois pourtant, les vagues d’une joie gratuite et puissante assaillent le rocher de sa conscience qui fond alors lentement dans l’étrange beauté triomphante : parfois encore, le regard paisiblement posé alentour, la conscience tranquille et silencieuse traverse l’écran des perceptions et se dissout doucement dans ce monde insolite où formes et couleurs, espace et solitude engendrent une omniprésente sensation d’irréalité, un univers onirique et fantastique où le temps même semble suspendu. »

    (Géraldine Doux Lacombe- Ladakh-)

     

    Chaque grain de sable contient l’essence d’une montagne- Les plus hauts sommets se retrouveront un jour réduits à l’état de grains minuscules, et il en sera ainsi pour les continents, les planètes. Tout prendra fin ainsi que tout a commencé sous forme de grains infimes, et le genre humain dans sa pleine apogée ne saurait égaler la puissance réfléchie par une seule de ces petites particules.

    En retrouvant les incroyables paysages minéraux du Ladakh, ces paroles prennent leur sens. Il me semble que ce vaste territoire  reculé est un des lieux du commencement de ce monde, là où se trouvent les sommets les plus élevés, les vents les forts et les âmes les plus éprouvées. Il me semble qu’on y trouve une réalité qui s’incarne dans la masse infinie de ces particules agglomérées rendant l’impermanence légère, oui en effet nous sommes de passage, que de passage.

     

    Lha Gyal lo

    Après une journée d’acclimatation à Leh, nous reprenons tout de suite la route pour rejoindre la communauté de Phoker. Une sorte d’alliance tacite est tangible dans le petit groupe que nous formons. Nous nous mettons en phase avec le rythme de cette terre.  La première sensation que nous éprouvons et un profond sentiment de paix, là dans le dépouillement de ces plateaux arides, de cet immense désert minéral, on sent l’âme plus apaisée que les tourments du monde en pleine confusion que venons de quitter.

     

    Nous nous sentons devenir souriants alors que nous sommes arrivés crispés du monde d’en bas. Sharlene, mon amie de Shillong qui enseigne le yoga et la méditation a décidé de nous rejoindre et nous initie au mantra du gourou Padma Shambhava . C’est ainsi qu’une année après avoir entendu pour la première fois parler du Bouddha né d’une fleur de lotus qui est à l’origine de l’enseignement du bouddhisme dans le Nord de l’Inde, nous pratiquons à présent le mantra qui est lui est lié.

    Lha Gyal lo

     

    Et cela me semble être le juste chemin pour faire ce que nous sommes venus faire ici, c’est à dire, terminer ce film et transmettre ce qui doit être transmis de l’histoire de Phoker Chomo, l’oracle de ces lieux. Une délégation des habitants de Phoker est venue nous attendre en amont du village pour nous souhaiter la bienvenue et nous accueillir avec les tradionnelles khataks, les écharpes de bienvenue, pour ce nouveau séjour parmi eux. Ils nous donnent des nouvelles de l’école du Lotus blanc pour laquelle nous avons développé un projet de soutien, nous sommes invités à venir voir les travaux qui ont été entrepris grâce aux premiers fonds que nous avons pu faire parvenir.

     

    On retrouve la famille de Samphel avec beaucoup de joie. Le cycle de cérémonie du Losar vient juste de commencer et nous allons devoir nous raccorder au mouvement comme nous l’avions fait l’an dernier, sauf que cette fois-ce, le territoire est devenu étrangement familier et que le fait d’être complètement déconnectés du reste du monde, sans internet, téléphone ou télévision nous permet d’y être dans une présence totale.


    Lha Gyal lo



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  • retour au LadakhDécembre 2011,

     

    Nous repartons pour Phoker, petite communauté ladhakie dans l'Himalaya, assister au nouveau de cérémonie du Losar pour pouvoir terminer le film,

    il s'agit cette fois-ci de s'attacher aux paysages, aux matières, aux sensations, aux impressions et de les retranscrir dans un langage de cinéma.

    Avant tout, la joie de retourner dans la communauté,  de revoir les gens, de partager avec eux de nouveaux moments d'intimité et de convivailité, de mesurer les progrès qui ont pu être fait dans l'école du village grâce au soutien que nous avons mis en place à travers l'association des enfants du lotus blanc.

    A l'équipe de l'année dernière se joint Oscar, parapentiste aérostier qui va nous aider à réaliser les plans aériens que nous avons imaginés pour incarner le déplacement de l'esprit sur cette terre minérale dont les sommets touchent au ciel.

    Comme l'année dernière nous vous invitons à suivre notre voayge à travers ce blog que nous alimenterons comme les conditions le permettent,

    à bientôt donc,

     

    doris buttignol

     


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  • Black tea ?

     

    RETOUR DANS LE MONDE D’EN BAS

     

    Nous vivons cette expérience du losar à Phoker avec nos pérégrinations de jour comme de nuit entre 3500 et 4000 mètres d’altitude dans un contexte qui constitue déjà pour les occidentaux que nous sommes, une aventure  en soi.

     

    Tout d’abord il faut se représenter le froid, c’est l’hiver dans l’Himalaya et les températures sont très souvent en dessous de zéro, la nuit il fait jusqu’à  -20 °. Les maisons mal chauffées et mal isolées sont de façon très surprenante, très conviviales. Les fenêtres de bois sculptés, les offrandes aux dieux, les pierres mantras, les mâts aux tissus décolorés qui claquent dans le vent, les poêles autour desquels on se rassemble, le pain cuit dans la cendre, le thé toujours prêt, on en boit des litres ainsi que l’eau chaude et surtout la chaleur de l’accueil qui nous est réservé partout.

     

    RETOUR DANS LE MONDE D’EN BAS

    Le seul moyen de résister au froid mordant est d’empiler les couches de vêtements, les ladhakis passent l’hiver avec des strates de vêtements qui leur permet d’endurer les températures souvent très rudes.

    Nous faisons de même, on dort sous des piles de couvertures, mais on garde au moins une couche ou deux de vêtements.

     

    Au lever du soleil, les femmes vont chercher l’eau dans la rivière dont elles brisent au préalable la couche de glace qui recouvre l’eau courante. Une énorme marmite chauffe sur un feu de bois à l’extérieur de la maison. Chacun vient y puiser le seau nécessaire à ses abblutions.

    Une petite pièce au sol en dur et à la fenêtre sans vitre est consacrée à la toilette.

    Il faut faire vite, se dévêtir et s’asperger d’eau brûlante, se savonner, se rincer et se rhabiller tout aussi vite. On s’accoutume très rapidement à cette toilette spartiate, de fait on se sent tonifié après. Le reste de l’eau chaude est utilisé à la lessive quotidienne faite à la main et étendue sur les branchages ou clôtures. Il y a 300 jours de soleil par an au Ladakh et depuis notre arrivée, le ciel a toujours été d’un bleu profond sans nuages.

     

    Voilà pour la salle de bains, les toilettes sont extérieures et sèches, avec un tas de terre  et une pelle à disposition pour recouvrir ce qui doit être recouvert. Le jour, c’est sympathique et écologique, la nuit c’est autre chose et on apprend vite à limiter l’absortion de liquides le soir pour ne pas être obligés de se lever la nuit, car se lever ça veut dire, s’habiller, chaussures et parkas comprises, sans oublier la frontale pour trouver son chemin…

     

    Après les ablutions du début de journée, tout le monde se retrouve pour le petit déjeuner, galettes, chapatis, thés accompagnés de pâte d’abricot, soupe, porridge et miel en sus pour nous que nous avons ramenés de Leh. La nourriture est délicieuse, dans nos rares moments de loisirs, nous sommes invités partout à déjeuner ou à diner et c’est à chaque fois un régal.

     

    Riz agrémenté de légumes cuisinés avec divers épices, soupe à la farine de sampa, beignets de légumes frits qui me font penser aux tempuras japonais, lentilles, épinards,

    des vrais petits pois, mouton rôti ou boullli, raviolis farcis de légumes ou de viande, crêpes à l’avenant, nous avons l’impression de vivre un festival gastronomique. Et partout où nous arrivons, la première question est black tea ?

    Car les ladakhis sont bien conscients que le thé beurré reste une expérience culturelle particulière pour nous autres et qu’en outre il n’est pas forcément digeste quand on s’acclimate juste à l’altitude comme c’est notre cas.

     

    On se retrouve en général à la tombée du soleil, pour encore du thé partagé alors que le jour tombe et que le froid  recouvre tout. L’électricité fonctionne à peu près entre 18 et 22H30, ce qui nous permet de charger nos batteries, de numériser nos sons et nos images, de faire ce qui ne peut être fait qu’avec l’électricité. Sinon on s’éclaire à la frontale et aux bougies, on est plus calés sur le rythme circadien que d’habitude.

    Il n’y a pas d’interrupteurs, les ampoules sont branchées directement sur le fil d’alimentation générale, nous avons bricolé une dérivation pour brancher une multiprise et répondre aux contraintes techniques du tournage.

    Pendant la durée du losar, l’électricité est également fournie entre 5H30 et 6H3O du matin, nous n’avons pas encore bien saisi pourquoi, en tout cas comme il n’y a pas d’interrupteur ça nous sert de réveil matin !

     

    Tout cela peut sembler austère et très inconfortable, mais non, l’ambiance est joyeuse et personne ne se plaint, au contraire, on dirait que dans cette aventure le manque de confort renforce la qualité des échanges humains qui elle est vraiment 4 étoiles !

     

     


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